Je m’appelle Beyrouth. Je suis fille d’un commerçant phénicien et d’une mère tellement abusée qu’elle est morte très tôt avant ma naissance. Au moins, c’est ce qu’on me racontait.
Je suis jeune, bien que mes traits zigzagués me donnent de l’âge. J’ai vécu toute seule une éternité, mais je me sentais super calme dans ma solitude, en paix avec moi-même, et en joie profonde avec ceux que j’aime. J’étais tellement fière de mes capacités et de ma beauté que personne n’osait me manquer de respect. J’étais bien dans ma bulle. J’étais ce que j’étais, jusqu’au jour où mes très chers parents et frères décident de me livrer, avec leurs propres mains, même si involontairement, à un empereur romain pour régler leurs dettes.
Me voilà donc soumise à l’empire romain de celui qu’on nommait “mon mari”. C’est vrai qu’il était si bon avec moi et qu’il a laissé au cœur de mes années des traces romaines qui ont doublé ma valeur, mais moi, je cherchais depuis toujours ma liberté. Romain meurt très tôt et me délaisse des fortunes incroyables.
Mais, à peine avais-je pu regagner ma liberté que Turco, monstre hideux qui portait les vêtements d’un homme noble et élégant, me captiva prisonnière. Il était épris par ma beauté, ma culture et mes caractéristiques exceptionnelles. Il aimait la mer qu’il voyait dans mes yeux et adorait tout ce qui m’entourait. Mais moi, je le détestais parce qu’il était le meurtrier de tous les temps. Dieu, combien je te hais Turco! Il était tellement jaloux qu’il avait tué tous les hommes de mon pays. Il voulait Beyrouth à lui seul. Je vivais un enfer qui ne se termina qu’avec l’arrivée de Franco. J’allais du pire au moins pire. Franco était beaucoup plus tolérant. Il colonisait mon âme, mais me traitait avec respect. Il m’a même appris à parler le français. Mais moi j’étouffais de plus en plus car c’est sa volonté qui devrait être faite. Moi, je n’avais pas le droit même de protester contre les décisions maladroites et les résolutions arbitraires prises contre mes confrères. D’un homme à l’autre on me vendait, et moi je souffrais en silence. D’une tutelle à une autre je traînais, et on s’amusait à me violer et à m’exploiter.
Insupportable! Tout le monde m’envie et moi je reste sans vie!
Le 22 novembre 1943, on m’a enfin libérée de tous les hommes et des forces qui m’accablaient. Je me sentais indépendante, libre et Beyrouth. J’étais tellement heureuse et joyeuse que je me prévoyais Belle, Bonne et Beyrouth! Mais la fin heureuse n’arrive que dans les films. Beyrouth, la Belle et Bonne fille d’autrefois est aujourd’hui vieille, incapable et malheureuse. Et je reste toujours enviée, avec toute ma saleté et tous mes maux. Ils m’envient toujours, et moi, je suis morte, je n’ai plus de forces… Ils m’ont tuée vivante!
Beyrouth est aujourd’hui Broyée, Bouillie et Bouleversée. Ne venez plus voir Beyrouth, visitez Belize, Belgique, Brésil… C’est vrai que je suis unique, mais je ne suis plus bien dans ma bulle. Je suis épuisée et j’agonise. Mais je ne laisserai à personne le bonheur de me tuer, surtout pas après les sacrifices dévoilés. Non! C’est bien moi qui vais me tuer, ça serait moins tragique. Beyrouth est enfin désespérée et battue.
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– Non, tu ne mourras pas ma chère Beyrouth. Tu ne mourras jamais, et c’est bien moi qui viens te sauver. Je suis la seule qui puisse te sauver.
– Qui es-tu?
– Je suis quiconque je suis.
Je suis Jade et Jalonneuse…
Je suis Joviale et Journalière…
Je suis Juge, Judiciaire, Jurée, Juridictionnelle, Jurisprudentielle, Justiciable… Je suis Justice.
– Justice? Je ne t’ai jamais rencontrée bien que je t’aie appelée des millions de fois…
– Je croyais toujours en ta puissance et j’appréciais ton endurance. Mais maintenant, c’est bien le temps d’intervenir pour éviter tous genres d’oppression et d’injustice. Je ne pouvais pas te laisser suicider, parce que je suis ta mère qui t’aime tant. Justice était la mère de toutes les nations et de tous les pays. Justice est actuellement expatriée pour des raisons matérielles et inhumaines. Justice est Jaillissante comme Beyrouth, Joyeuse comme Beyrouth, Jolie comme Beyrouth et Juste comme Beyrouth. Je suis le J du J’aime Beyrouth et le J du Jemmayzé. Je n’accepterai jamais que tu sois le bouc émissaire des mauvaises gens.
– Bénie sois-tu chère Justice, car pour construire un pays, il faut qu’il se base toujours sur la lettre J: justice, jeunesse, joie…
Et depuis ce jour, Beyrouth est devenue Mère des Lois, et on s’appropriait Beyrouth pour parler de Justice.
Rêvons enconre! Rêvons qu’un jour notre très chère Beyrouth commence par la lettre J!
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Merci!
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ça y est j’ai trouvé l’espace en français. Très beau texte, très prenant. J’espère que j’aurai l’occasion d’aller à Beyrouth l’année prochaine… c’est un projet avec une amie qui est spécialiste du Moyen Orient et qui m’a proposée de l’accompagnée… mais à 74 ans…. J’adore ces escaliers peints.
Très bon début de semaine
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Tout est possible! Notre nouveau président de la république a 82 ans! Courage! J’espère que je serai au Liban quand vous déciderez de visiter Beyrouth!
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Like it! 👍🏻
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Merci 🙂
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WOW!
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Merci 🙂
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